Abu Dhabi vogue au secours des dugongs
Portrait d'un dugong Le dugong est essentiellement herbivore, il absorbe environ 30 kg de végétation aquatique par jour. Inféodé aux mangroves et aux fonds sableux proches du littoral, les vastes herbiers sous-marins essentiels à son alimentation sont menacés par la prospection offshore et l'urbanisation côtière. Mais contrairement aux idées reçues, l'Occident n'a pas le monopole de la protection de l'environnement et pour paraphraser le célèbre slogan des années 70 « à Abu Dhabi même si on a du pétrole, on a aussi des idées ». Plusieurs zones offshore d'Abu Dhabi ont été déclarées aires marines protégées par décret présidentiel et dans l'un des plus importants pays producteurs, forages pétroliers et constructions immobilières sont étroitement surveillés par l'Agence de l'environnement (EAD : Environment Agency-Abu Dhabi). L'Agence travaille en coopération avec les compagnies pétrolières qui ont accepté de modifier les techniques de forage néfastes aux dugongs. Les mammifères sont très sensibles aux basses fréquences sonores générées par les forages, nous explique le docteur Thabit Zahran al-Abdessalaam (directeur du département de biodiversité marine de l'EAD). Bien sûr il n'est pas question d'arrêter la prospection pétrolière, nous leur demandons simplement de procéder lentement afin que les dugongs aient le temps de se déplacer vers des eaux plus calmes. A chaque forage, un expert des mammifères marins se tient à bord de la station et s'assure de la bonne conduite des opérations. Avec les promoteurs immobiliers nous agissons de la même façon et nous mettons en place des systèmes de rideaux aquatiques qui limitent la diffusion de sédiments sur les herbiers indispensables à la survie des dugongs
"la situation s'est améliorée... mais il est encore victime de prises accidentelles ou de collisions..."
Grâce à ces précautions la situation du dugong s'est considérablement améliorée dans le golfe Arabique. Mais les eaux étant peu profondes il est encore victime de prises accidentelles dans des filets de pêche ou de collisions avec des navires. Gourmand et très sélectif dans le choix de ses herbiers il suit des routes migratoires, enseignées de génération en génération par les mères à leurs petits, pour retrouver les meilleurs garde-manger. Il fallait donc déterminer avec précision ses zones alimentaires et les routes empruntées afin de créer des couloirs de protection interdits aux bateaux.Ivan Lawler présentant une des balises dont seront équipés les dugongs Grâce au programme de sauvegarde des dugongs financé par Total ABK et la Fondation Total, en décembre 2008 Thabit Zahran et Ivan Lawler, chercheurs à l'université James Cook de Townsville (Australie), ont codirigé une mission ayant pour but d'équiper d'émetteurs trois dugongs. La plupart du temps les dugongs plongent dans 3 ou 4 mètres d'eau et même parfois moins. Tant qu'ils mangent, l'émetteur reste en surface, nous a indiqué Ivan Lawler. Au bout de plusieurs mois, il y a un système qui détache l'émetteur. Quand le signal ne bouge plus, on sait que l'émetteur est libéré
Hélicoptère décollant de l'île de Bu-Tinah pour repérer les dugongs. Malgré la taille imposante du pachyderme marin, en moyenne trois mètres de long et un poids variant entre 400 et 900 kilos, cette opération prit l'apparence d'un rodéo marin; les mammifères rivalisant de vitesse avec les bateaux des rangers. C'est grâce à l'appui d'un hélicoptère de l'aviation émirienne, qui a survolé durant plusieurs heures les 5 500 km2 de l'aire marine protégée de Marawah-Bu Tinah, que trois mammifères ont pu être repérés et délicatement ceinturés par l'équipe australienne. Dociles et sereins les dugongs se sont prêtés de bonne grâce à l'installation des émetteurs munis d'un terminal transmettant des données par satellite à la compagnie française Argos et d'un GPS donnant la position de l'animal. Les premiers résultats sont riches d'enseignements (voir photos).
Selon les points GPS calqués sur une image satellite les scientifiques se sont aperçus qu'un dugong peut se déplacer sur 80 kilomètres à vol d'oiseau en quelques jours pour s'alimenter sur ses herbiers préférés.
Rodéo marin à la poursuite des dugongs. Il est encore trop tôt pour dire si notre travail sera effectif sur le long terme, conclut Thabit Zahran, mais depuis le début de nos actions nous avons constaté une forte baisse de la mortalité des dugongs dans les eaux de l'émirat. L'important pour nous est également de faire passer un message auprès de la population d'Abu Dhabi : la protection de l'environnement est l'affaire de tous, elle est liée au développement humain. Si nous ignorons notre environnement, nous tirons un trait sur notre futur
Crédits Photos © Claude Rives-Merimages et EAD (images satellite)
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