04/10/2010
par Plongeur.com
Tech : n'ayez pas peur de franchir le premier pas.
Les plongeurs tech : ces extraterrestres aux multiples blocs, recouverts de tuyaux et de jauges sont-ils aux antipodes de la plongée loisir ou peuvent-ils nous apprendre des choses sur la sécurité et la gestion d’une plongée ?
n fait, l’image du plongeur tech fait peur. Les centres de plongée loisir ne vendraient pas de baptêmes si leur plaquette montrait un ‘tekkie’ en train de transpirer dans une combinaison étanche, en plein effort pour soulever le poids de ses blocs déco. Et puis il faut bien reconnaître que les voir avec plusieurs ordinateurs, montres, timers et autres gadgets à chaque poignet, des parachutes de différentes couleurs pendus à la taille et une véritable araignée de flexibles et de tuyaux qui les harnachent, ça ne donne pas franchement envie !
Un tekkie prêt à partir
Où est le plaisir d’aller visiter les poissons sur un récif de corail quand il faut une heure pour s’équiper et bien plus longtemps encore pour faire les calculs mathématiques nécessaires à la décompression ? Dès les premières plongées, un plongeur entend que les plus belles choses se trouvent dans moins de 20 mètres d’eau et que la narcose commence à avoir des effets dès 30 mètres de profondeur.
Et pourtant. Il subsiste une fascination pour la plongée technique, mêlée d’admiration et d’une pointe de jalousie, de la part de ceux qui n’ont ni les moyens, ni les qualifications de la pratiquer. Car d’emblée, ces deux critères limitent le nombre de pratiquants.
Mais supposons que vous ayez les aptitudes requises (N3 minimum) et quelques sous à dépenser : la plongée tech est-elle accessible à tous, et que peut-elle nous apprendre ?
Laurent Petitjean, instructeur Trimix TDI (parmi ses autres qualifications), nous raconte une anecdote qui résume bien la différence entre le ‘tekkie’ et le plongeur loisir.
Laurent Petitjean
C’était sur le ‘Togo’, une épave à 58 mètres de profondeur, un jour de vent d’Est, donc de grande affluence parce que c’était le seul site plongeable. Avec un copain, nous avions décidé de passer pas mal de temps au fond, et nous plongions au Trimix, avec des blocs de déco en Nitrox 40% et Oxygène pur. Au fond, je croise un plongeur qui me fait signe que je suis fou de plonger en configuration lourde. Je lui réponds que c’est lui qui est narcosé. En faisant nos paliers, tranquillement un petit peu en retrait du pendeur, nous assistons au va-et-vient des plongeurs qui descendent et remontent à grande vitesse. C’est vraiment eux qui sont fous, pas nous ! J’observe avec intérêt les manomètres d’un binôme. La fille n’a plus d’air et son compagnon est en difficulté. Je respire de l’O2 à 6 mètres et j’ai tout mon temps. J’ai aussi deux détendeurs sur mon mélange de fond, un détendeur sur le Nitrox 40% et plus de 100 bars de gaz dans chaque bloc. Je peux leur donner à chacun de quoi respirer pendant leurs paliers sans en aucun cas compromettre la sécurité de nous tous. Alors, où est la folie là-dedans ?
Bercer un bi
Pour déterminer si la plongée tech est vraiment accessible à tous, j’ai suivi une formation Trimix proposée par Laurent Petitjean lors de son expédition annuelle W2 au centre de plongée Eau Bleue à Cavalaire-sur-Mer (83).
Le défi pour Laurent consistait à former une femme d’un âge suffisamment respectable pour être celui de sa mère et qui est de surcroît totalement dépourvue d’aptitude mathématique. S’il s’en est sorti avec brio, c’est parce qu’il est très pédagogue, et parce qu’on n’a pas besoin de savoir faire des calculs savants pour pouvoir plonger au Trimix. Il suffit de comprendre quelques notions de base et d’être bien équipé. Il faut aussi de la rigueur et un peu de discipline, mais je reviendrai sur ce sujet plus tard.
Les tekkies
D’abord : le matériel.
LE bonheur !
Le plongeur tech est un amoureux du matériel et je n’ai pas encore découvert si c’est parce qu’il est amoureux du matériel qu’il devient ‘tekkie’, ou inversement. Voici un avant-goût du matériel nécessaire : une combinaison étanche (car on reste longtemps dans l’eau) et une bi-bouteille, puis un wing pour porter la bi-bouteille, équipé d’anneaux pour attacher les blocs déco. Chaque bloc déco a son propre détendeur et manomètre, sans parler des sangles, des mousquetons ou des élastiques… Et là, je ne parle que du gros matériel. Il faut rajouter les dévidoirs, les parachutes à soupape, le coupe fil, le timer, l’ardoise, et peut-être l’article le plus cher, mais pas du tout indispensable au début, l’ordinateur programmable.
Un peu de matériel...
Préparation du matériel
Tout ce matériel, empilé sur le corps du pauvre petit plongeur, pèse assez lourd.
Le grand méchant tekkie
Surtout quand il faut se lever de la banquette, se déplacer avec des palmes, et se mettre à l’eau. Heureusement, la réussite d’une formation Trimix ne dépend pas de l’élégance de la mise à l’eau – cette dernière ressemblant plutôt à un trébuchement désordonné enchaîné avec une tentative d’amerrissage tête en haut et la plupart des accessoires en place…
Mise à l'eau
La question est donc : faut-il être jeune, costaud et faire du body-building pour réussir à tout porter ? Je suis la preuve que non.
Carole, au début de sa préparation...
Harold aide Carole dans sa préparation
En revanche, au retour de la plongée, il faut remonter à bord du bateau. Normalement, on décroche ses blocs déco dans l’eau – si l’état de la mer le permet - et je sais que sans pouvoir le faire, et sans pouvoir sortir mes poches de lest, je n’aurais pas pu remonter sur le bateau.
Donc, par mauvais temps, un plongeur tech qui se sent un peu faiblard ne devrait pas sortir !
Arrosage pour rafraichir
Pour moi, la grande révélation de la plongée tech se trouve dans la simplicité de son exécution – suite à la planification efficace de la plongée. Et c’est là où je reprends les termes ‘rigueur’ et ‘discipline’. Avant de plonger, chacun écrit son ‘run-time’ sur l’ardoise qu’il porte au poignet. Le ‘run-time’ indique la profondeur de la plongée, le temps que l’on peut y rester et l’heure précise à laquelle on doit quitter chaque profondeur à la remontée. Il indique aussi les temps des paliers supplémentaires en cas de perte de ses gaz de décompression, et chaque profondeur à laquelle on change de gaz. Donc, je peux explorer une belle épave à 60 mètres de fond, la tête claire, en sachant que je dois entamer ma remontée au bout de 20 minutes (c’est rageant, n’est-ce pas !). Je suis tout simplement les chiffres inscrits sur mon ardoise pour remonter en toute sécurité, sans avoir besoin de regarder mon manomètre parce que je sais que j’ai largement assez d’air – et je ne suis même pas fatiguée !
Run-time
La plongée tech n’est pas difficile en soi.
C’est cher, lourd en matériel et demande une forme physique correcte, mais ce n’est pas difficile. Il faut avoir la technicité d’un plongeur autonome et un bon instructeur.
Merci Laurent !
Et bien faire attention à la marche !!
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