Les ordinateurs « tech » sont-ils dangereux ?
En fin d'année dernière, le 13 décembre, Alain Foret présentait dans une webconférence les conclusions d’un travail comparatif entre différents modèles d’ordinateurs et algorithmes de désaturation. Autant le dire tout de suite, les conclusions agitent le petit monde de la plongée (et en tout cas notre forum) depuis plusieurs semaines.
Le protocole retenu est le suivant : on immerge les ordinateurs dans un caisson, on leur fait subir une plongée type similaire et on compare le résultat en temps total de palier.
Un profil en particulier a retenu l’attention de l’auteur de la célèbre série de livre « plongée plaisir » : le cas d’une première plongée de 30 minute à 30 mètres, suivi 90 minutes plus tard d’une seconde plongée ayant les mêmes caractéristiques.
Les résultats de son étude sont implacables : les ordinateurs utilisant l’algorithme ZH-L 16C à Gradient Factors donnent des durées de palier jusqu’à 3 fois plus courtes que ceux utilisant d’autres modèles de désaturations pour la seconde plongée.
Mais on ne s’attaque pas impunément aux OSTC et autre Shearwater, marques chéries des plongeurs les plus chevronnés. En l’absence de données statistiques sur le taux d’accident par modèle d’ordinateur, les critiques pleuvent et portent en particulier sur deux points clé :
- Le choix d’un réglage des GF à 90/90 dont Alain Foret affirme qu’il correspond au mode par défaut utilisé par la plupart des ordinateurs de plongée.
- Le choix du profil qui pour beaucoup est irréaliste (il faudrait 3 blocs pour faire la seconde plongée avec les ordinateurs les plus sécuritaires) et de nature à exacerber l’écart.
Les membres de notre forum ont cherché à vérifier la pertinence de ces différentes critiques et a comprendre d’où pouvait venir cet écart.
Concernant le réglage des GF
Le réglage 90/90 correspond-il au mode par défaut utilisé par la plupart des ordinateurs de plongée ?
Pour faire simple, la réponse est non.
- Les ordinateurs OSTC sont livrés réglés par défaut avec un réglage de 30/85, les shearwater avec un réglage de 40/85.
- Un de nos membre, bardass, a fait un travail remarquable de comparaison pour identifier la correspondance en gradient factor des principaux algorithmes du marché, il en ressort que dans leur grandes majorité les ordinateurs s’approchent d’un réglage de l’ordre de 80/80 pour des plongées a des profondeurs de 20 à 40m et des réglages plus conservateurs pour des plongées plus profondes.
Cela étant dit, cela ne change pas grand-chose car les comparaisons faites par un autre membre, LGF, nous montrent que quels que soient les réglages, l’augmentation de la durée de palier à la seconde plongée est très nettement plus faible en ZHL-16C+GF qu’avec un ordinateur utilisant un autre modèle (l’algorithme Suunto Fused 2 étant pris en référence).
On note en revanche que l’augmentation des paliers est du même ordre quelque soit le réglage en ZHL-16C+GF alors que chez Suunto elle augmente sensiblement avec le « durcissement » du modèle.
En conclusion, le choix de réglage des GF à 90/90 n’est certainement pas le plus pertinent et il est sans doute de nature à réduire le volume de palier proposé par ces ordinateurs par rapport aux algorithmes des autres fabricants. Cela dit, cela influence peu la conclusion et ces ordinateurs proposent toujours sensiblement moins de palier que les autres sur la seconde plongée du profil.
Concernant le profil choisi
Concernant le profil, le graphique ci-dessous représente la durée totale de palier pour la seconde plongée pour différents modèles en fonction de la durée de l’intervalle de surface.
On voit que pour des intervalles de30 minutes à 1h30 le Suunto donne quasiment 2 fois plus de paliers que le modèle à gradient factors, en revanche au-delà de 2h30 d’intervalle de surface le Suunto RGBM Fused 2 donne des paliers très proches du modèle à gradient factor, et passé 4h la plupart des modèles s’alignent.
Tous ces éléments complémentaires nous permettent de penser que si l’écart de paliers mis en évidence par Alain Foret est indiscutable, il disparait lorsque l’intervalle de surface s'allonge.
Mais alors pourquoi ces écarts ?
Les fabricants d’ordinateur « tech » utilisant le ZHL-16C+GF implémentent l’algorithme sans le modifier, et laissent au plongeur le soin de changer ses réglages s’il estime qu’il réalise une plongée à risque.
La réponse de Shearwater à ce sujet est limpide : « Les ordinateurs de plongée de Shearwater Research mettent fidèlement en œuvre l'algorithme Buhlmann ZHL-16C avec des facteurs de gradient. Ces facteurs de gradient offrent un niveau supplémentaire de conservatisme par rapport à l'algorithme original de Buhlmann. La charge en gaz inerte est suivie entre les plongées pour s'ajuster aux plongées répétitives. De plus, les plongeurs soigneusement formés et instruits peuvent modifier le conservatisme de l'algorithme pour des scénarios de plongée répétitive. »
La réponse de Shearwater met en fait en évidence l'origine de la discorde, en implémentant l'algorithme "pur", ces fabricants se concentres uniquement sur la charge en gaz inerte des tissus, or la recherche et l'expérience ont mis en évidence depuis bien longtemps la présence de risques liés au micronoyaux gazeux et a leur évolution en bulles. C'est bien en prétendant adresser ces risques liés aux bulles circulantes que les différents modèles adaptent la procédure de désaturation pour allonger les paliers et réduire les risques d'accidents.
En l'absence de documentation claire des adaptations msies en place il est bien difficile de juger de leur pertinence, mais il est clair que celles ci sont absente de l'algorithme ZHL-16C.
Il est également très probable que ce les adaptations faites par les fabricants s’appliquent à d’autres comportements ou situations jugés dangereux : grande profondeur, yo-yo, profils inversés, froid, essoufflement (via la sonde air), efforts (via la ceinture cardio chez Scubapro), etc…
En conclusion, on fait quoi ?
Le mot de la fin sera sans doute que le plus important est de connaitre son ordinateur et ses limites, et de savoir le régler en fonction de ses plongées.
Les ordinateurs « tech » utilisant le ZHL-16C+GF assument de ne pas modifier le modèle en fonction de la plongée et en particulier de ne pas modéliser l'apparition et la croissance des microblles, il revient donc au plongeur d’adapter ses réglages en présence de facteurs de risque, qui ne se limitent pas à la plongée successive.