20/07/2009
par Plongeur.com
Première : travaux de restauration d'une grotte vandalisée en Floride
Le 7 janvier 2009 restera une date historique dans les annales de la plongée souterraine, car elle marque la fin de trois jours de travail éreintant pour Michael Angelo Gagliardi et son équipe (avec plus de trente heures de plongée au total) nécessaires à la restauration de la grotte de Cow Springs dans le comté de Suwannee en Floride, USA, dont la galerie principale avait été vandalisée quatorze mois auparavant par des plongeurs irrespectueux.
riginellement explorée en 1986 par Lamar Hires, Woody Jasper, Tom Morris and Wes Skiles, et gérée depuis par la National Speleological Society - Cave Diving Section, ou NSS-CDS (Société Nationale de Spéléologie – section plongée souterraine), qui en régule pourtant l’accès aux plongeurs de façon stricte dans le souci de protéger sa beauté délicate, la grotte de Cow Springs est connue pour la richesse de ses galeries faites de couches d’argile qui se sont déposées au fur et a mesure des millénaires en strates multicolores le long de ses parois.
Or, c’est justement sur celles ci que des vandales jugèrent malin de graver leurs initiales «PY» et «DIC», à plus de deux cent mètres de l’entrée et passés les vingt mètres de profondeur.
La réaction de la NSS-CDS ainsi que de la communauté de plongeurs spéléo fut volcanique et immédiate. Une enquête fut lancée pour retrouver, arrêter et juger le ou les auteurs du crime. Malgré cela, le mal était fait. Bientôt, la question se posa de savoir s’il serait possible de réparer les dégradations causées à ces magnifiques formations argileuses restées jusque là intouchées par l’homme, afin d’espérer leur rendre leur beauté originelle.
Heureusement parfois, le hasard fait bien les choses : les chemins de Forrest Wilson, membre de la NSS-CDS et de Michael Angelo Gagliardi, artiste sculpteur et plongeur résidant a Chicago, se croisèrent fortuitement. Forrest demanda alors à Michael Angelo s’il pourrait appliquer ses talents d’artiste et son expertise en matière de travail de la terre glaise pour tenter de réparer les dommages causés dans la grotte.
C’est ainsi que Michael Angelo se rendit en Floride en juin 2008 pour plonger à Cow Springs avec Bill Bowden et Mike McCauliffe, afin de se rendre compte sur place de l’étendue des dégâts, d’évaluer les conditions de plongée (en effet, la galerie est soumise à un courant constant d’une vitesse de plus de deux nœuds, rendant tout travail stationnaire pratiquement impossible) et de prélever des échantillons d’argile dans la zone abimée. Dès son retour à Chicago, Michael Angelo mit la main à la pâte, littéralement parlant, mélangeant divers pigments et poudres de terre de potier avec l’espoir de pouvoir reconstituer les couleurs et la consistance exacte de l’argile des parois de Cow Springs. Une préparation qui durera des mois, car il se refuse à entreprendre toute restauration tant qu’il ne sera pas certain d’être capable de redonner à la grotte son apparence d’origine, et ne pas seulement de se contenter de «camoufler» les dégâts.
Finalement, au début du mois de janvier 2009, Gagliardi se sent prêt. Entouré d’une équipe solide constituée des plongeurs Wayne Kinard et Bill Bowden, ainsi que des photographes Gene Page et Jill Heinerth, qui prendront plus de cinq cents clichés au total pour documenter chaque étape de la restauration, Michael Angelo pénètre dans Cow Springs pour y installer sa « table de travail » avec les outils nécessaires, ainsi qu’un système d’ancrage qui lui permettra, à l’aide d’une corde, de rester en suspension devant sa « toile » en dépit de la force du courant présent dans la galerie.
Sans plus attendre, il se met à l’œuvre. Il a auparavant rempli des tubes de PVC de mélanges d’argile de différentes couleurs et bricolé un pistolet à colle avec lequel il compte injecter ceux-ci directement dans les sillons laissés par les initiales gravées dans la glaise. Ensuite, il fignolera le travail à l’aide de pinceaux fins d’artiste pour rendre à la paroi son aspect originel. Après un essai infructueux pour faire fonctionner son pistolet de fabrication maison, Michael Angelo résout le problème sans avoir besoin de refaire surface et commence enfin les réparations. Au final, une plongée avec paliers de décompression de 103 minutes aura été nécessaire pour effacer les infâmes lettres « PY » de la paroi.
Toutefois, comme Michael Angelo le craignait, l’endroit réparé semble à présent plus « neuf » que le reste du mur. Deux possibilités s’offrent à lui : ou bien laisser les choses telles quelles et attendre que la nature redonne sa patine naturelle à la glaise, (ce qui ne serait somme toute que l’affaire de quelques mois), ou entreprendre le travail de « patine » lui même. Le lendemain, le groupe revient à la charge pour s’attaquer au second ensemble d’initiales « DIC ».
Le surlendemain, mercredi 7 janvier, Michael Angelo, Wayne Kinard et Gene Page retournent dans la grotte pour effectuer une dernière plongée afin de terminer les travaux, y effacer toute trace de leur passage et enfin ramener tout leur matériel à la surface. Quant à Bill Bowden, il continue de gérer la logistique des opérations depuis la surface.
Une fois les initiales recouvertes, Michael Angelo utilise des terres de sienne plus foncées afin de rétablir les jonctions entre les striures multicolores de la couche d’argile, un processus qui prendra plus de soixante minutes à lui seul. Lorsque l’équipe juge le travail achevé, Wayne commence à remballer les outils dans un sac prévu à cet effet, puis démonte la table de travail. Il arrime le tout le long du fil d’Ariane permanent de la grotte.
il soulève les sédiments naturels de la grotte afin de créer un « silt out contrôlé »
Il ne reste plus à Michael Angelo qu’à appliquer la touche finale : déposer une fine couche de particules naturellement présentes dans la galerie par dessus la zone restaurée pour lui redonner sa patine naturelle. Pour cela, il palme à contre courant un peu en amont du passage, et, armé d’un pinceau-brosse qu’il agite doucement le long du sol de la galerie, il soulève les sédiments naturels de la grotte afin de créer un « silt out contrôlé ». En l’espace de quelques instants, la visibilité devient nulle. Cette phase finale de restauration prendra en tout une trentaine de minutes. Grâce au courant qui pousse les particules en suspension en direction de la sortie, la visibilité se rétablit rapidement une fois que Michael Angelo a terminé et l’équipe peut enfin admirer le fruit de ses efforts. Satisfaits, ils se serrent la main pour se féliciter mutuellement d’un travail bien fait, avant de palmer vers la sortie avec tout leur matériel et entamer leur long palier de décompression. Cette plongée finale aura duré 138 minutes. La réparation a été tellement bien faite, que même les habitués des lieux sont bien en peine de pouvoir retrouver aujourd’hui l’endroit exact où se trouvaient les graffiti. De plus, le vandale a été identifié et, peu fier de ses actions, a offert une somme d’argent pour financer le tournage d'un court métrage, sponsorisé par la NSS-CDS, dont le sujet visera à éduquer la communauté de plongeurs au respect de l’environnement souterrain. A l’heure ou j'écris ces lignes, la NSS-CDS a décidé d’attribuer son prix annuel de protection de l’environnement à Michael Angelo pour ses efforts à Cow Springs. Un grand honneur pour lui, même si, a mon humble avis, sa plus belle récompense est que les plongeurs locaux ont rebaptisé la section restaurée de la grotte « la chapelle Sixtine ». Un sacré compliment, surtout lorsqu’on est artiste et que l’on s’appelle Michel-Ange !Delphine PONTVIEUX
Photos Gene Page et Jill Heinerth , avec leur aimable autorisation
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